Sandrine Pelletier

“ L’oeuvre de Sandrine Pelletier a pour ancrage la matière; son langage, ses possibilités ainsi que ses limites.
Who Fears The Other est une sculpture faite de miroirs de différentes grandeurs traités à l’acide. Ici, les miroirs font autant office de medium que de matière de réflection.
Le titre de l’œuvre est tiré d’un poème Two Rows by the Sea publié par la Société Biblique d’Egypte (Coptic Christian Group) faisant suite à la mise en circulation sur internet d’une vidéo montrant l’exécution de vingt et un chrétiens d’origine Égyptienne par ISIS en Libye le 12 février 2015. L’importance de l’image est ici centrale.
Le groupe ISIS a crée sur internet son iconographie propre, mettant en avant ses actes bar- bares afin de recruter de nouveaux membres.
Plaçant cette démarche dans une réflexion sur notre siècle, le groupe ne se cache pas dans l’ombre, mais communique ouvertement sur les médias sociaux.
Avec ses miroirs déformés à l’acide, Sandrine questionne non seulement la relation du specta- teur envers lui-même, mais aussi envers la société. Who fears the other - qui a peur de l’autre sachant que ce dernier est un produit du précédent ? “

Extrait du portfoliio de Sandrine Pelletier, 2017

Les images hallucinatoires et quelque peu dramatiques réalisées par Sandrine Pelletier, génèrent dès le premier regard un frisson étrange, sorte de léger vertige. Comme happé à notre insu au cœur des bouleversements temporels et spatiaux créés, on ne tarde pas à réaliser l’ambiguïté dans laquelle nous sommes parvenus.
Entre fiction et réalité, illusion et vérité, lucidité et fantasme, notre esprit chavire dans un perpétuel état en suspension. Par le dessin, la céramique, le verre ou le tissage, le processus de dégradation arrangé que l’artiste met en place dans ses œuvres, nous confronte d’abord au devenir des états ; des circonstances ensuite, révélant avec justesse l’inéluctable finitude des choses.
En nous ouvrant les portes d’une réalité parallèle, une autre dimension où le temps semble curieusement hésitant, indécis, comme prédisposé à l’introspection, la jeune lausannoise laisse planer l’incertitude quant à l’espace temps de notre propre existence.
Son univers mystique nous enchante perpétuellement tel un sortilège sans
cesse renouvelé...

Elodie Martin

À l’horizon 2009-2010, le travail de Sandrine Pelletier, jusqu’alors concentré sur le dessin et la broderie, prend un tournant décisif.
Délaissant aiguille et crayon, elle s’arme désormais d’un briquet et se confronte aux arts du feu : céramique, verre et bois brûlé.
En véritable pyromane des poncifs techniques et esthétiques, Sandrine Pelletier pousse cha- cun de ses nouveaux médiums à leurs points de ruptures. De l’expérience de ces derniers va se dégager un élément désormais crucial pour elle : l’accident. Bois calciné, verre fondu et brisé ou sur le point de l’être, céramique noircie vont développer le langage de l’artiste dans des directions qui ne feront l’impasse ni sur la figuration ni sur l’abstraction et le conceptuel.
L’atelier qu’elle occupe au Caire en 2012, juste après le printemps arabe qui a bouleversé le pays, a sans aucun doute lui aussi eu un impacte durable sur sa manière de travailler et sur ses références. De nouvelles muses surgissent en la jeunesse alternative cairote. De cette rencontre avec des codes inattendus dans un pays arabe vont surgir bon nombre de dessins au fusain qui sont regroupés dans un ouvrage produit et relié en Egypte. Toute la nouvelle grammaire de l’artiste y figure. On y trouve ainsi des références aux rituels, aux légendes et à l’exotisme mais aussi un intérêt nouveau pour la métamorphose, l’éphémère et l’accidentel. Ses constructions urbaines en bois réunissent ces nouveaux intérêts. La fragilité et la patine du temps cohabitent dans ces nouvelles architectures calcinées tels Nafas (2012), anamor- phoses directement inspirées des motifs islamiques, ou Oscar (2014) et Only the Ocean is Pacific (2015).
C’est que Sandrine Pelletier n’est pas une artiste éponge, elle n’absorbe pas le monde qui l’entoure, non, elle le scrute avec acuité et le métamorphose dans ses œuvres. Lorsqu’elle est invitée à participer, en 2014, au Vent des forêts, dans la Meuse, elle n’hésite pas à construire son propre four pour verrier en torchis et terre réfractaire en pleine forêt et à projeter, encore en fusion, la matière transparente, sur des constructions de bois brûlé. Les fils de verre, traces des gestes de projection désormais figés, tissent ici une toile d’araignée monumentale à la couleur ambre.
La spatialisation de son travail s’est ainsi considérablement développée. Elle crée en forêt, dans le désert, et même son dessin s’est libéré de la feuille pour gagner les murs, certaines fois de grandes dimensions comme son intervention lors de son exposition éponyme Only the Ocean is Pacific au Musée du Locle en hiver 2015.

Marco Costantini

(...) De multiples légendes et mythes associent le cheval aux forces dynamiques de destruction et de régénérescence. Réifiés dans le goudron, flancs ouverts, ceux de l’artiste rappellent les chevaux de l’Apocalypse, par leur allure de carcasse calcinée, ou la monture des figures maléfiques qui hantent certains récits populaires. Mais le fragile maillage qui les forme et leur caractère inachevé les assimile aussi à des énergies en devenir. L’impression simultanée de formation et de dissolution du cheval dans les lignes évoque aussi son assimilation au flux et au reflux de la mer.
Cette pièce convoque plusieurs aspects chers à Pelletier: son goût pour le maniement des matières et la création de nouvelles combinaisons, son attrait pour une iconographie populaire, aux résonances affectives fortes et symboliquement dense. Pelletier expérimente également ici la frontière entre abstraction et figuration. Elle s’intéresse au mouvement dynamique qui mène de la ligne à la figure et en explore le potentiel esthétique.(...)

Marguerite Pilven, 2009