Pablo Betti

Dans cette nouvelle série de peintures, je m’intéresse à la relation qui lie trois éléments que je considère fondamentaux, à savoir : le support (jute, lin, coton), la couleur et le traitement de la surface. Suivant les critères adoptés par la Peinture-Peinture, Pittura Analitica ou Fondamental Painting (génération d’artistes à laquelle j’appartiens), mon objectif est de laisser parler la peinture, nue et incarnée dans la matière. Par ce procédé, j’aimerais que le spectateur puisse se sentir transporté dans une autre dimension, au-delà de la représentation d’une réalité spécifique (peinture figurative), de l’expression de l’artiste (peinture abstraite) ou même d’un concept sous-jacent (art conceptuel).
Dans la plupart de mes œuvres, le coup de pinceau se fond dans une superposition complexe de couches, jusqu’à arriver à deux instances : celle d’un chromatisme intense ou d’une légère sonorité spatiale. Toutes deux sont structurées autour de l’ambiguïté proposée par la suggestion d’un horizon, par l’articulation possible et voilée entre l’abstraction et la figuration, bien que rejoignant toujours cette idée fondamentale qu’il ne s’agit que de l’acrylique sur une toile.
Pablo Betti 2023

Comment mettre en images l’invisible ? Comment partager l’indicible? Dans cette nouvelle série de tableaux, Pablo Betti joue avec la matière et la couleur pour nous offrir une solution esthétique au paradoxe. La lumière ouvre une nouvelle dimension dans la toile et recrée un espace vide. Nous plongeons volontiers dans sa peinture et, tout d’un coup, nous nous retrouvons exposés à notre propre conscience. Le temps se détend et l’instant présent, qui porte en lui tout notre passé, nos souvenirs et nos sentiments, se déroule pour nous amener dans un plan de transcendance.
Le néant est une « illusion fondamentale », disait Henri Bergson, car nous pensons, ou nous percevons, toujours quelque chose –le vide, en soi, n’est pas antérieur au plein, ni le néant à l’être. Mais quand, grâce à un effort d’abstraction, nous réussissons à vider la réalité de son existence matérielle, quand nous nous isolons du monde extérieur, c’est face à nous-mêmes que nous sommes confrontés. C’est précisément cette expérience, ou plutôt cette illusion, que Pablo Betti cherche à produire avec sa peinture.
Le travail est subtil, très fin. Sans aucun doute, l’artiste a comblé la toile blanche de matière. Néanmoins, quand nous regardons ses tableaux, nous retrouvons une sensation de calme et de légèreté qui ne peut pas être exprimée avec des mots, et qui nous renvoie incessamment vers nous-mêmes. C’est là que sa peinture se rapproche de l’expérience mystique. Et pour reprendre une formule célèbre, sur ce dont nous ne pouvons pas parler, il faut garder le silence et contempler.