Aliska Lahusen
“L’art et son miroir. Aliska Lahusen la traversée de l'invisible ... ”
“… Tout un travail de picturalité se trouve comme réfracté sur ces sculptures en forme de pyramidion, d'autel ou de barque tombale - par transparences micacées, maculations de résine, saisies de ciels tourmentés. La plasticité architecturale semble n'avoir pour fin que de recevoir les indices d'un événement considérable ou son empreinte propitiatoire - celui de la peinture ou de l'illusion ainsi reconduite. Calme bloc sur quoi le secret des jours égorgés témoigne de l'obscur désastre de la mémoire.
Ces structures de bois recouvertes de feuilles de plomb donnent une impression d'extrême compacité. Le plomb absorbe la lumière en des luisances anthracite ou bistres; au contraire d'autres métaux, sa surface subit les avaries, comme un épiderme sépulcral, et se marque de stigmates. Paradoxalement, le détail pictural institue ces volumes entre stèles et sarcophages dans l'espace idéographique de la sculpture. Ces éclats de verre au sommet, ces coulures de latex et ces glacis laqueux lèguent au monument sa dimension intentionnelle en même temps que sa position esthétique: les signes panique de la mort et de la destruction circulent autour du silence de l'œuvre close sur son secret ; et le sacré conséquemment affleure tandis qu'on s'interroge sur la disparition. Les traces du rituel s'élèvent alors dans la lumière noire du jour. Et le mystère monolithique avoue de nouveau son caractère irréparablement hybride: plomb et résine, métal et sang. La dualité synthétique de l'œuvre d'art, en particulier des sculptures d'Aliska Lahusen, se résout provisoirement dans l'hybridation active des formes, sphinge en bordure d'abîme.
En regard des lustrages de goudron sur plomb et des bas-reliefs, peintures usant comme Soulages de tous les noirs de la lumière piégée, les sculptures géométriques relancent dans l'harmonie contemplative le spectacle nu de la forme - volumes blessés d'un sens charnel autour desquels rôdent les cortèges expiatoires de la mémoire. En vis-à-vis de ces autels de l'intimité forclose, le visiteur ressent un malaise de témoin tardif et comme une complicité trouble avec les acteurs disparus du drame. Dans un second temps, quand l'impression de solitude ambiante s'identifie aux sourds effets de la lumière, le deuil s'étend à l'univers, et les sculptures d'Aliska Lahusen, en confidence avec ses peintures noires, s'érigent sur fond de rapports chiffrés, dans l'espèce de rigueur suprématiste désirée par l'artiste, purs concepts au sein d'un espace d'incarnation donné.
L'art échappe certes aux valeurs critiques réductionnistes et s'impose hors définition, loin de tout psychologisme, comme une solution de continuité de l'espace et du temps trahissant l'inquiétude des origines. Telle sculpture d'Aliska Lahusen, socle d'une statue assassinée, consacre notre propre absence au monde. Demeure l'œuvre dans sa trajectoire, soudainement illuminée d'une intention inédite, avant le retour à sa gravité nécessaire comme la couleur noire ou tel astéroïde dans la nuit des signes.
Au moins trois époques avouées se partagent la production de la sculptrice à ce jour, l'art textile des débuts et ses prolongements métamorphiques, exploration des possibilités expressives d'un matériau qui se traduit dans un déploiement organique illimité, fruits suspendus, nids de guêpes ou viscères inconnus, lianes et nasses, efflorescences invasives. Changer de matériau, pour un sculpteur, marque toujours une étape cruciale, un passage initiatique. L'usage du plomb comme surface à peindre ou à façonner sur un support de bois ou de fer, recouvre et occulte l'envoûtement lyrique des tissages. Lahusen aborde donc, en son deuxième dessein, une sorte d'art funéraire vacant, qui ne manque pas d'évoquer certains cénotaphes et mémoriaux de la Seconde Guerre mondiale, à côté d'œuvres plus intimistes aux allures de secrets Memorbücher. Dans cette perspective, à partir des années 1990, elle semble s'inscrire dans cette mouvance de l'art minimal déclinée du suprématisme : abstraction des formes pures, couleurs en aplats. Ce qui diffère foncièrement, c'est l'investigation symbolique, subjective et même émotive des matériaux, leur traitement esthétique étonnamment approfondi et minutieux sous des apparences d'extrême sobriété. La troisième période qui s'ouvre avec le nouveau siècle exaltera jusqu'à la perfection cette simplicité formelle en même temps qu'un raffinement aux limites de l'apesanteur.
Probablement existe-t-il en art, dans l'effort d'échapper aux opaques attractions de l'inconscient, une sorte de travail du deuil indéfini qui aboutit au meilleur des cas à un renouvellement, pour ne pas dire à une renaissance, et c'est le cas chez Aliska Lahusen qui, à travers un jeu de conversions et de transpositions sans rupture, parvient à la sérénité mystérieuse de l'Ouvert, au sens où l'entendait Rilke (« Tout est distance, et nulle part ne se ferme le cercle »), après cette clôture de l'ordre du sacré des cénotaphes. Les barques et les lits succèdent aux formes tombales inaltérables, avec une dynamique et une grâce évoquant Brancusi ; et l'art tout asiatique de la laque côtoie désormais la technique charpentière du plomb. À travers ses sculptures chama-niques et cependant apolliniennes, Lähusen sollicite le dieu Hypnos accouplé à son double et les intercesseurs d'un monde à l'autre du voyage initiatique d'Osiris ou d'Orphée (si proche des révélations des états intermédiaires dans le Bardo Thödol, Le Livre des morts tibétain). Au demeurant, toute contemplation bue, ce sont là en premier lieu des objets esthétiques, sans représentation figurative ajoutée. On comprend néanmoins sans effort que cette approche minimaliste - réelles affinités avec les John McCracken, Robert Morris, Craig Kauffman ou Tony Smith - a davantage à voir avec l'art incorporel d'un Rothko. Ces bols de silence n'ont, en effet, aucune réalité sérielle, chacun se livrant en offrande au regard. Ces vases aux surfaces enduites de multiples couches de laque, poncées et reponcées jusqu'à atteindre l'immatérialité d'une lumière diffractive doucement unifiée, sont de purs objets de méditation: tout en eux est accueil et jaillissement, réception en un creux de paume diaphane et don par ces bordures en corolle semblables aux vasques des fontaines. Rectangulaires ou ova-les, les miroirs d'ombre, rouge cinabre ou noirs, absorbent la lumière, se l'incorporent dans une profondeur pensive où toutes les images du monde semblent en réserve d'évocation.
De verre, de fer ou de bois couvert de laque traditionnelle ou de plomb, chaque œuvre est à la fois une halte, un éclair dans l'obscu-rité, la forêt en hiver, un visage vu de l'intérieur, la mémoire de ce qui nous est invisible. Aliska Lahusen manifeste un tel raffinement dans la simplicité, une telle grâce hiératique dans le jeu des ombres et des couleurs comme de la transparence et des réfractions, que son métier en semble quintessencié, au-delà des avatars de l'incarnation, dans un prodige d'harmonie détachée...”
Hubert Haddad, 2023Funebris ad Vitam. Aliska Lahusen
Aliska Lahusen évoque la mémoire du patrimoine culturel immatériel associé aux rites funéraires anciens. Elle nous fait réfléchir sur les traditions disparues des XVIIe et XVIIIe siècles : portraits funéraires, -de l’ancien Royaume Polono-Lituanien (Rzeczpospolita) - et des lithres - remontant à l'Ancien Régime français.
Une litre - une ligne noire dont les bras émergent du presbytère et, en signe de deuil, entourent les murs des édifices religieux médiévaux. La commémoration avec une lithre était un droit honorifique dû aux seigneurs de haut rang des endroits spécifiques du royaume des Francs.
Aliska Lahusen s'est profondément intéressée au sujet en 2007, émue par les traces de ces cérémonies, dans l'église des Chassignelles dans l'Yonne, à proximité du village où se trouve son atelier. Le résultat de la rencontre avec le patrimoine bourguignon a été la création d'estampes uniques sur feuille de plomb, réalisées grâce à la sérigraphie d'Eric Seydoux (1946-2013).
En 2024, l’artiste s'était concentrée sur la tradition polonaise des portraits funéraires, qu’elle a soumis à une intervention artistique. Le portrait funéraire, qui montre les coutumes polonaises de l'époque baroque (XVIIe et XVIIIe siècles), n'a été présent que dans la région de l'ancien Royaume Polono-Lituanien (Rzeczypospolita). Bien qu'une coutume similaire soit connue dans l'Égypte ancienne. C'était un élément indispensable de la cérémonie solennelle des funérailles.
Le critère de base pour un portrait funéraire était de présenter la personne comme vivante, mais aussi d'indiquer qu'elle vit déjà une existence extraterrestre. Cette directive a été rappliquée par en mettant en scène la personne concernée sur un fond neutre, aliéné de la réalité, qu'était une plaque polie et brillante. L'impression d'absence spirituelle a été obtenue en représentant le défunt les yeux grands ouverts - regardant dans une distance impénétrable.
Le rite funéraire, sacré par nature, prenait la forme d'un spectacle pompeux auquel le défunt lui-même participait, par un ensemble de moyens illusoires. Cette participation était assurée par un portrait du défunt exposé lors de la cérémonie funéraire, au cours de laquelle il était présenté comme vivant. Ses yeux étaient peints pour donner aux personnes en deuil l'impression d'être observées.
Après la cérémonie, le portrait a été attaché au cercueil, en haut – du côté des jambes. Une telle exposition de la peinture dictait le matériau de sa base, qui devait être à la fois durable et flexible - ces conditions étaient remplies par des feuilles de cuivre, d'étain ou d'étain-plomb, et moins souvent par des feuilles de fer. La forme dominante, tant dans les édifices du XVIIe que du XVIIIe siècle, est l'hexagone. Les portraits les plus anciens ont une forme octogonale. Le matériau de peinture a toujours été la peinture à l’huile.
Les portraits ont été créés après la mort sur la base des images disponibles, de sorte que les personnes qui y figurent paraissent plus jeunes que l'âge du décès. Parfois, en cas d'absence de ressemblances, une personne morte ou gravement malade était peinte. La franchise, souvent très radicale, du message rend certaines images presque caricaturales. Comme presque tous les monuments de ce type en Pologne, ceux-ci sont également l'œuvre d'artistes anonymes.
Agnieszka Bielska, 2024Carnet de voyage / Pérégrinations
Entre le pèlerinage et le vagabondage, c’est l’attitude mentale du voyageur et son regard sur le monde qui détermine la nuance. Si chez l’un le passage d’un lieu à l’autre est sujet à anecdotes, chez le pèlerin, paysages contemplés ou entrevus, rencontres de hasard, instruments nouveaux ou abandonnés se parent d’une profondeur de sens qui transforme les étapes en enrichissante collecte spirituelle.
Les récents travaux d’Aliska Lahusen peuvent se voir comme les échos d’un carnet de voyage duquel ne serait extrait qu’un ensemble choisi d’images et d’objets dont la somme condenserait l’essentiel d’une quête : ustensiles rituels ou quotidiens sublimés pour devenir archétypes abstraits, images de ciels et de lointains évoquant des paysages intérieurs. Ainsi les sculptures de bronze ou de laques, les Miroirs et Tambours, sont épurées de leur allégorie sacrale pour atteindre une stricte rigueur plastique, profonde et sensuelle. Au contraire, les Appuies-tête et les Ecritoires suggèrent bien d’usuels accessoires de voyage, dont la forme première résulte bien sûr d’une ergonomie raffinée, mais les œuvres qui en sont issues se parent d’une élégance interrogative qui excite et libère l’imaginaire.
La quête du voyageur est aussi, beaucoup, dans la contemplation patiente des paysages, à l’opposé de leur négation ou de leur consommation. Cette vision dans laquelle l’être humain se retrouve et s’apaise, Aliska Lahusen la restitue dans ses tableaux sur plomb ou étain Transit Umbra et Pluie. Pour cette dernière série, Pluies, l’artiste a repris et développé avec ses modes d’expression des éléments d’estampes de Hiroshige qu’elle interprète et s’approprie.
Ces tableaux, comme ses autres précédents, exigent un temps de perception, demandent qu’on s’y arrête et qu’on y respire. Alors apparaissent des ciels délavés, des pluies battantes, des ruissellements, déjà aperçus et enfouis dans notre mémoire et que l’on retrouve, tels une allusion dans un haïku, installés dans une œuvre nouvelle et autonome et qui diffuse, par delà le temps, de semblables émotions.
La caresse tremblante du temps , les formes méditatives d’Aliska Lahusen
Aliska Lahusen poursuit depuis des années une entreprise patiente et calme. Elle se sert des matériaux et de leur transformation pour donner des contours à ce qui échappe si souvent au pouvoir de l’action et à la volonté, au temps qui est insaisissable. Elle crée lentement des formes qui viennent des profondeurs de l’histoire et qu’elle arrache au passé pour les rendre à la vie présente.
L’humanité occidentale n’a pas toujours vécu une temporalité qui se précipite vers l’avant, une succession d’actions, de réalisations, entrecoupées d’effondrement puis de reprise. Il y avait d’autres rythmes, d’autres cycles, un temps qui se forgeait à l’intérieur et qui n’était pas tourné seulement vers un futur dont la réalisation, d’ailleurs hypothétique, justifierait les désastres et parfois les bonheurs d’aujourd’hui. Même si notre modèle impose de plus en plus sa productivité sur toute la planète, ces visions et leurs objets subsistent encore dans d’autres régions du monde.
En faisant appel à ces formes lointaines, dans le passé ou dans l’ailleurs, en regardant là où subsiste une autre vision du temps, une autre manière de le vivre, non pas comme un continuum orienté mais comme un état et une succession d’états qui n’entretiennent pas de relation de causalité. Aliska Lahusen crée un monde de cercles et de retours. Ses « tambours » et ses « miroirs » brillent d’une couleur vive dont la profondeur vient des couches de laque superposées. Ses panneaux gris et mats, presque ternes, semblent habités par des êtres géométriques, par des courbes, par des flaques plus sombres ou plus claires.
La chose surgit lentement devant les yeux du spectateur, sans confier son origine. Maintenant, le résultat est souvent l’essentiel. Peu importe le temps passé pour l’obtenir. Peu importe même qu’il soit de la main de l’artiste. Il faut que ça claque. Mais rien n’oblige à suivre cette voie si ce n’est l’ambition d’être célébré, car l’art d’une époque n’est jamais homogène. Une autre conduite est possible, qui n’est ni meilleure ni pire, ce n’est pas le problème. L’essentiel est qu’elle soit là, que le lent travail soit encore une forme de méditation et que la caresse de la main sur la matière donne un sens au temps qui n’en a pas.
“Mes actuels travaux en laque s'inscrivent dans la continuité. Ainsi dans mes précédents tableaux sur plomb j'utilisais la superposition des couches de peintures et leur effacement pour obtenir profondeur et éclat; de même dans nombre de mes sculptures en plomb, le verre et sa transparence étaient présents car depuis longtemps je m'intéresse au concept du reflet comme renvoi du regard à sa propre intériorité. Par la suite, lors de voyages au Japon et dans des monastères de l'Himalaya, j'ai été passionnée par la découverte des mythes concernant le miroir et les rituels qui l'accompagnent. J'y ai vu une correspondance avec ma propre recherche artistique. Dans ces traditions, le miroir n'est pas l'instrument du regard narcissique en quête de son image mais il est au contraire l'objet qui capte et conserve: lorsqu'on ne l'utilise pas, mieux vaut, par prudence, le couvrir. Il est également associé à l'obscurité. Ainsi, dans le mythe japonais de la création, la déesse Amaterasu projette à l'aide d'un miroir sphérique la lumière sur le monde depuis le fond d'une caverne. Et dans le bouddhisme tibétain, lors du jugement des morts le dieu Yama tend à l’esprit du défunt un miroir qui a conservé les événements de son existence, puis il demande au mort de s’y regarder et de s’y reconnaître. Je voulais travailler sur ce thème et je recherchais un médium que je pourrais utiliser comme pour enregistrer strate par strate des moments d’existence, des instants de conscience et qui me permettrait également d’user de la couleur pour insuffler le sentiment qu’une énergie émane de l’objet lui-même. Il me fallait donc pouvoir jouer autant de la couleur que de la lumière et de la transparence. Il m’a semblé que la laque traditionnelle offrait ces possibilités et je me suis tournée vers elle. La lenteur d'exécution à laquelle oblige le matériau, les méthodiques préparations, les répétées superpositions des couches de pigments jusqu'à la révélation de la couleur finale, qui en transmet d'autres, cachées, qui l'ont précédée et qui, par elle, nous touchent, me paraissait capable de transmettre ce sentiment de l’existence. Dans ce mode de travail, j'ai aussi trouvé une sorte de réponse à ma fascination pour l’action répétitive et obsessionnelle. La durée du travail oblige celle du regard: pour que la densité des strates accumulées s’impose en perception consciente d‘une certaine lumière, il faut aussi du temps. Le temps de se laisser porter, de revenir et de se laisser prendre. Ainsi, le spectateur, faussement attiré par la recherche d'un hypothétique reflet de son visage, peut-il être emmené (je l’espère...) par une émotion purement sensorielle vers des profondeurs plus lointaines...”
Laurent Wolf, «Peinture et Sculpture», Le Temps, 2009Dans le domaine de l’art on oppose traditionnellement l’apollinien au dionysiaque, la symétrie à la dissymétrie, chacune de ces dimensions étant en elle-même porteuse d’un univers particulier. Dans le cas d’Aliska Lahusen, son oeuvre telle qu’on peut la voir depuis de nombreuses années s’éloigne progressivement du baroquisme tourmenté qui semble avoir marqué son travail dans ses débuts pour atteindre aujourd’hui une sorte d’immobilité frontale et contemplative qui la rapproche de l’art d’un Giorgio Morandi. Comme chez le maître de Bologne les sujets traités par Aliska Lahusen se concentrent sur des objets simples du quotidien, tels un bol, un lit, une barque, qui prennent sous ses doigts une monumentalité silencieuse et une spiritualité propres au religieux. Un religieux qui pourrait prendre ses origines dans le bouddhisme zen qui l’a baignée lors de ses séjours au Japon et dans l’Himalaya. Ainsi le thème du bol, propre aux moines mendiants, celui des porte-sommeil, et plus géné- ralement l’emploi des grande formes circulaires, en référence à l’Enso, le cercle japonais symbole de la peinture Zen, témoignent de son ancrage nippon, comme les grandes pièces intitulées Pluies, inspirées des « cinquant- trois étapes de la route du Tokaïdo » d’ Hiroshige. Il faut évoquer enfin la mystérieuse lumière sourde et grise qui baigne les tableaux peints sur des feuilles de plomb, nous ramenant à Morandi dont on sait qu’il interdisait que la poussière déposée sur les objets dans son atelier soit enlevée, procurant ainsi à ses natures mortes leur lumière unique.
Texte pour le catalogue de l’exposition à la Galerie du Canon, Toulon 2018“L’ÉTERNITÉ SERA VELOCITÉ OU PAUSE“, (EMILY DICKINSON)
Aliska Lahusen, artiste polonaise vivant et travaillant à Paris, crée despeintures et des sculptures qui visent à l’équilibre entre un vide rempli de tensions et des espaces suggérant des mouvements. Inspirée par l’esthétique japonaise et les méthodes de laquage, Aliska Lahusen fait appelà notre perception des matériaux traditionnels. Elle aussi franchit les frontières entre la peinture et la sculpture, ce qui, inévitablement, conduit à leur inspiration primaire: les gravures sur bois. La délicatesse et l’endurance cohabitent côte à côte dans ses pièces, suggérant peut-être que le temps et sa suspension ne font qu’un et que, finalement, tout restera. Comme tout finira par disparaître. Ou bien tout est-il déjà en train de disparaître maintenant ... dans l’actualité du temps?
(...) Comme nous contemplons les qualités de l’éclat de la brillance et la richesse des couleurs dans les oeuvres d’Aliska Lahusen, nous découvrons également une profondeur intense dans ses autres oeuvres en deux dimen- sions. Même si l’espace d’exposition est silencieux et discret, il est rempli de sons imaginaires (pluie, eau, gong, gouttes d’encre) et devient performance. Les matériaux soigneusement conçus communiquent à travers leurs formes, leurs couleurs et leurs titres, qui se réfèrent souvent à l’idée du voyage, récurrent tout au long de l’accrochage avec la symbolique du cercle. “Barque Errante“ (2017), “Tambour d’eau verte“ (2017) et “Pluie de Hiroshige“ (2015) d’Aliska Lahusen sont lyriques et narratifs, rappelant le pèlerinage spirituel.
Pluie de printemps
Sous les arbres
Un ruisseau de cristal (Basho)